Je l'ai déjà dit, je suis foncièrement de l'avant. J'aime la frénésie de ce qui commence presque, qui se dessine au loin, encore flou mais tentant. Dans l'idéal auquel j'aspire, cette promesse ne se réaliserait jamais, toujours maintenue, tremblante et lumineuse, une sorte de seuil vers autre chose encore plutôt qu'une arrivée qui signerait la fin. Heureusement pour qu'un idéal veuille dire quelque chose, il en va autrement dans le réel, qui tient la promesse comme un contrat dont le non-respect serait une trahison plutôt qu'une ouverture. Ces jours-ci, peut-être est-ce le printemps, une liberté nouvelle ou un père naissant, les choses sont si furieusement aguichantes dans l'ouvert que je pourrais être tentée de me lancer vers elles à toute allure, les prenant tout à coup pour des objets de pure jouissance, oubliant que les consommer veut aussi dire les faire mourir. Je me force donc à la lenteur.
La lenteur comme dans ces mouvements lents des quatuors à cordes de Bartok, dont les tensions et les frottements contrastent violemment avec la vigueur et l'assurance des mouvements rapides. Or c'est la peau qui réagit à cette lenteur, à cette durée qui passe par le maintien de la dissonance jusqu'à ce que sa résolution apparaisse comme une délivrance, la peau qui frissonne et devient le seuil entre mon intériorité et le monde qui l'appelle. Comme une caresse, cette lenteur me dit ma fragilité, la fin de l'illusion de ma solitude cosmique. Et si dans la lenteur de la caresse, mon corps est à la fois en moi et en toi, ici et là, c'est ce rythme, cette posture qu'il me faudra maintenir pour que ce printemps ne se termine jamais.
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2 commentaires:
Je suis en plein dedans, la lenteur…
Oui? J'oublie trop souvent qu'elle déploie autrement le monde et que, par elle, le sens résonne en moi d'une façon chaque fois multipliée... Bonne et lente route, donc...!
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