28 mars 2011

Moins seule

Ce n'est pas bien terrible. Nous sommes des centaines de milliers à en souffrir, parfois ponctuellement, parfois pour toujours. Mais pour ma part, depuis que ça m'est tombé dessus, je suis en deuil.
Je suis en deuil d'être seule dans ma tête, seule à m'entendre lire et penser, seule à m'endormir - et dieu sait si j'ai dormi! des 14, 15 voire 18 heures de suite avant de me taper 2 jours sans sommeil occupés à lire et réfléchir; sur ce plan aussi, je suis une instable - et seule à pouvoir profiter d'une minute de silence.
Parce que, depuis quelques jours, mon oreille fait une crise d'asthme. Et je sais maintenant qu'elle n'est pas près de s'estomper.
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Petite, pendant mes crises, avant qu'elles n'atteignent ce point où on se demande s'il existe encore quelque chose comme le souffle de la vie pour soi, je prenais un certain plaisir. J'écoutais les sons étranges que faisaient mes poumons et je m'efforçais d'y déceler une lointaine musique. Changeante et stridente, mais ça ne me déplaisait pas : j'étais une grande fan de Samantha Fox.
Mais ces temps-ci, je ne prends plus plaisir à entendre en permanence ce parasite qui m'empêche de dormir, de me concentrer, d'envisager la nuit avec le même bonheur qu'avant.
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Michel Tremblay en a tiré un livre, je crois. L'homme qui entendait siffler une bouilloire. (De mémoire.) Je ne l'ai pas lu. J'ai très peu lu Michel Tremblay. Je ne sais donc pas s'il a réussi à traduire ce bourdonnement, cet envahissement de la vie qui transforme chaque petit geste en épreuve. Je sais que moi j'en serais incapable. Mais qu'il ait réussi ou non, je n'ai pas envie de lire ce livre.
Bordel que je n'ai pas envie de lire ce livre.

09 mars 2011

Un mystère résolu

Je suis une lectrice un peu têtue. Je me fais une image des écrivains et je m'y accroche sans même, souvent, vérifier leur bien-fondé.
Par exemple, au nom d'un préjugé favorable construit à partir de lectures fondatrices - j'avais adoré ses essais, surtout son magistral Espace littéraire, je me suis obstinée à lire Blanchot un peu partout, pour me rendre compte qu'en fiction, sa pensée se trouve de beaucoup obscurcie.
Ainsi m'étais-je toujours tenue loin de Thomas Mann, que j'imaginais lyrique et symboliste, vaguement conservateur et trop daté. Non sans raison, évidemment. Mais après 10 ans de résistance, j'ai lu La Mort à venise, cette nuit. (Eh non, je n'avais pas vu le film non plus, honte à moi...) Puis Tristan. Et j'ai été absolument séduite par sa musique, par ses personnages qui se révèlent petit à petit à travers des mots rares et beaux.
Il faudra que je me souvienne de cette lecture pour ne jamais plus écouter mes préjugés...
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