08 octobre 2009

Une parole perdue, puis retrouvée.

Aujourd'hui, j'aurais voulu pouvoir dire à ceux qui ne savent pas qu'ils m'occupent et existent plus encore que les autres à mes yeux combien, parlant d'un livre, c'est à eux que je parle.
J'aurais voulu pouvoir dire à ce jeune homme encore mal dans son corps, ce jeune homme toujours seul qui longe les murs, ce jeune homme dont le silence me dit beaucoup surtout depuis que je l'ai lu, qu'il est là dans ma tête quand je parle de la distance au monde que la littérature essaie de penser. J'aurais voulu pouvoir dire à cette jeune mère jamais vraiment souriante mais jamais vraiment triste, toujours un peu absente et pourtant si assoiffée de réussite, que c'est son admirable coeur éparpillé qui est partout chez Ducharme, Godbout ou Saint-Denys Garneau. J'aurais voulu pouvoir parler non pas aux forts qui rigolent et pensent comprendre, mais aux autres, effacés, qui ne disent mot et comprennent.
Mais pour moi enseigner, et enseigner une oeuvre particulièrement, c'est accepter que le don que je fais ne soit pas reçu par tout le monde également. Et que même généreuse, je ne sois pas équitable.
La parole est un exercice d'humilité qui me rappelle sans cesse mon idéal : ce que je lance peut atterrir pas plus loin que sur le premier pupitre qui me fait face, mais il y a un risque que celui qui ne l'attendait pas, tout au fond de la classe, l'ait vu tomber. Et ça suffit à me donner la force de continuer.

3 commentaires:

Maxime Boisvert a dit…

Très juste. Très sage. Admirable. Tu m'apprendras quand viendra mon tour d'enseigner, ok?

J. a dit…

Hé hé...!

Mais non, bien sûr. Les meilleurs moments dans l'enseignement sont ceux où l'on apprend soi-même, devant autrui, ce que veut dire enseigner pour nous. Il faut être aussi son propre professeur ! :-)

Maxime Boisvert a dit…

Encore juste!