20 mai 2009

Écrire aux soleils

Aujourd'hui j'ai voulu écrire.
J'ai voulu écrire parce qu'il y avait en moi cette espérance sans laquelle aucune écriture qui n'est pas qu'artifice ne peut s'élancer, parce que je me sentais sur un tremplin, toujours au bord d'être plus, ou moins, ou ailleurs que moi, parce que c'était le Bach virevoltant qui accompagnait le soleil, parce que je repensais à combien le temps s'efface toujours quand je suis avec toi et qu'il faut garder une trace de ça, cette rareté.
J'ai voulu écrire parce qu'il fallait tout faire pour s'élever contre la facilité et l'indifférence partout autour, parce qu'il y avait un vent léger au crépuscule qui ne balayait pas, qui ne balaye jamais ce qui reste en moi de toi et que je ne sais pas penser, parce que pour une fois il y avait les souvenirs, mais ils devenaient, ces moments-là, d'éternité.
Mais au lieu d'écrire je me suis mise de côté - la retraite n'est pas une absence; elle me déplace - et je n'ai plus vu que vous. 
Et il n'y avait rien à ajouter.

12 mai 2009

Vers une parole du détachement

Quand je suis en chasse de moi-même, fuyante et excédant de toutes parts, quand il y a quelque chose en moi qui résonne et persiste et m'ébranle, quelque chose que je n'ose pas saisir et encore moins penser, j'ai la phrase longue de ceux qui courent après leurs mots. 
Heureusement, quand je file ainsi et que, sur ma route, surgissent de petites choses toutes simples qui disent l'expérience humaine avec une justesse qui ne peut, dans l'élan, que m'échapper -- "Un brin de folie - n'importe quelle gourmandise - nous préserve de mourir de sagesse" (p. 57), ou encore "On est toujours le brouillon de soi-même, quoi qu'on fasse pour se corriger, comme si se mettre au propre n'était pas à notre portée" (p. 90) -- je suis forcée de m'arrêter. 
L'aphorisme livre une prise sur le monde qui exige une modestie qui m'est, ces temps-ci comme souvent et elle comme le reste, étrangère ; dans ma fuite, je ne vois plus que moi, agaçante et dispersée, qui quitte la retraite et l'effacement sans lesquels la pensée, ma pensée, ne peut rien saisir. 
Heureusement, je trouve parfois dans "l'écriture nue" de certains livres quelques "saillies aussi inattendues que des points de repères dans le désert" (p. 96). Et si je sens de nouveau en moi l'appel de cette parole du détachement qui, seule, pourra me saisir absente ; si je dois m'astreindre - encore une fois, mais c'est toujours à recommencer - à l'ascèse de l'écriture, c'est que la parole d'autrui, et même dans ses silences, impose à ma course folle des temps d'arrêt, des répits où je me (re)pose, oui, mais pour mieux cesser de me voir là, devant, voilant l'horizon.
(Toutes les citations sont tirées du Sourire d'Anton ou l'adieu au roman d'André Major.)

10 mai 2009

Une absence de rêve

Dure parole, et dure pensée, en ces jours d'absence à moi-même, de fièvre et de petites fuites. Dur de penser l'impossible -- et pourquoi penser autre chose : "S'il ne s'agit pas de changer le monde, ou de vivre avec cette illusion vitale, à quoi bon écrire ?"* -- quand je suis tout entière dans une médiocrité dont je m'étonne mais que, trop lâche, je ne quitte pas. 
Voilà qui explique ce silence : dans l'impasse, je ne sais pas m'élever au-dessus de moi. 
Mais j'y travaillerai. Demain.
* André Major, Le sourire d'Anton ou l'adieu au roman, Montréal, Presses de l'U. de M., 2001, p. 17.