12 mai 2009

Vers une parole du détachement

Quand je suis en chasse de moi-même, fuyante et excédant de toutes parts, quand il y a quelque chose en moi qui résonne et persiste et m'ébranle, quelque chose que je n'ose pas saisir et encore moins penser, j'ai la phrase longue de ceux qui courent après leurs mots. 
Heureusement, quand je file ainsi et que, sur ma route, surgissent de petites choses toutes simples qui disent l'expérience humaine avec une justesse qui ne peut, dans l'élan, que m'échapper -- "Un brin de folie - n'importe quelle gourmandise - nous préserve de mourir de sagesse" (p. 57), ou encore "On est toujours le brouillon de soi-même, quoi qu'on fasse pour se corriger, comme si se mettre au propre n'était pas à notre portée" (p. 90) -- je suis forcée de m'arrêter. 
L'aphorisme livre une prise sur le monde qui exige une modestie qui m'est, ces temps-ci comme souvent et elle comme le reste, étrangère ; dans ma fuite, je ne vois plus que moi, agaçante et dispersée, qui quitte la retraite et l'effacement sans lesquels la pensée, ma pensée, ne peut rien saisir. 
Heureusement, je trouve parfois dans "l'écriture nue" de certains livres quelques "saillies aussi inattendues que des points de repères dans le désert" (p. 96). Et si je sens de nouveau en moi l'appel de cette parole du détachement qui, seule, pourra me saisir absente ; si je dois m'astreindre - encore une fois, mais c'est toujours à recommencer - à l'ascèse de l'écriture, c'est que la parole d'autrui, et même dans ses silences, impose à ma course folle des temps d'arrêt, des répits où je me (re)pose, oui, mais pour mieux cesser de me voir là, devant, voilant l'horizon.
(Toutes les citations sont tirées du Sourire d'Anton ou l'adieu au roman d'André Major.)

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