16 janvier 2011

Seule et moins seule

Hier soir, attablée seule au bout de la belle table pour 6 que j'avais préparée à mon étrange famille qui a finalement préféré ne pas venir, pensant à tous ces "amis" qui annulent des rendez-vous, ne tiennent pas leur parole ou ne me l'adressent carrément plus, et même en sachant mon amoureux magique juste là, pas bien loin, je me suis sentie bien seule.
Je me suis sentie bien seule à tenir promesse, à être engagée envers ces autres qui me trouvent souvent dure parce qu'ils ne devinent pas que c'est l'importance qu'ils ont pour moi qui explique mes exigences. Même des voix chantant un Mendelssohn doux et rond ne réussissaient pas à m'égayer sous la lumière tamisée choisie pour enrober un souper que j'espérais souriant.
Puis je me suis rappelé cette première analyse littéraire faite en secondaire 4 que je venais de retrouver en classant mes vieux papiers dans la journée, vieille analyse portant sur Le Mur de Sartre et s'attardant de façon un peu facile au concept de "mur" (ouh là là! cherché loin, ça!) ou de frontière tel qu'il apparaît dans chaque nouvelle. Et je me suis dit, dans ma tristesse, que ce n'était peut-être pas une mauvaise idée de retourner lire ce livre qui ne ressemble pas à ce qui a fini par m'intéresser en littérature, ce livre étranger à ce qui me travaille désormais. Que ce n'était pas une mauvaise idée de retourner voir la lectrice que je ne suis plus, cet auteur que je ne lis plus, ces personnages qui ont mal passé l'épreuve du temps, cette manière de raconter qui ne coule pas très bien; des choses, bref, qui me feraient sortir de ce qui m'est familier et de la petite solitude pas bien lourde que je laissais m'endolorir.
Eh bien ça a marché. Si je n'ai pas été transportée par cette lecture, elle m'a distancée de moi. Et si, plus tôt dans la soirée, j'étais au bord de me convaincre que je devais faire comme tout le monde - ne pas m'engager, ne pas m'emballer - pour être moins durement déçue, elle a réussi à m'éloigner de cette idée que je n'avais de toutes façons pas encore vraiment adoptée. Parce qu'il n'y a rien comme sortir de soi pour raviver notre curiosité pour un Autre qu'il faut apprendre à aimer dans son étrangeté même.
L'affaire de toute une vie, bien sûr. Mais je me compte chanceuse : j'ai quelques livres pour m'aider à ne pas oublier de m'y consacrer.

3 commentaires:

manouche a dit…

J'essaye de regarder mon nombril ...de l'extérieur.

J. a dit…

Bien dit! :-)

Anonyme a dit…

Dieu que tu es belle...je t'aime. Marianne