Là-bas, en silence pour quelques jours de solitude, je m'accrochais à n'importe quoi pour meubler mon esprit. Il y avait une dame, par exemple, qui n'arrivait pas à se détacher de son sac à main. Partout, à la cuisine, au séjour, en randonnée; elle n'acceptait pas de le laisser dans une chambre pourtant barrée. Une autre, au repas, portait toujours un très grand soin à la disposition des éléments sur son plateau. Elle changeait plusieurs fois d'idée, déplaçant le dessert du coin supérieur gauche au coin inférieur bas, inversant petite et grande cuillères, et prenait toujours un bon moment à évaluer son aménagement avant de commencer à manger.
En silence, rien ne se disait dans ma tête, tout s'écrivait. Tout apparaissait comme formulé, mastiqué, joli. Des dizaines de petites histoires toutes faites me sont comme ça venues à l'esprit à propos de ces deux dames. Je ne les ai pas écrites - je n'ai rien écrit là-bas : quand ça naît trop écrit, je me méfie toujours - et je ne les écrirai pas, mais désormais, quand je verrai une dame s'accrocher passionnément à son sac, il y en aura toujours une autre qui l'accompagnera pour moi, portant une attention presque démesurée à des détails du quotidien et glissant quelques mots de réconfort à l'oreille de la première : "notre petite angoisse ressemble peut-être à rien, mais nous savons combien elle use, et nos armes pour la combattre nous appartiennent en propre, au moins."
*
Souvent, comme maintenant, je ne sais rien raconter d'autre que ces détails qui articulent mon temps. Parce qu'il n'y a tout simplement rien d'autre à raconter.*
Ce soir, au Téléjournal, un journaliste, Benoît Giasson, a ouvert son reportage avec du Verlaine, et l'a fermé sur Nelligan. Plus tard, une pluie rebondissante s'est mise à faire une belle musique sur mon escalier arrière. C'était une bonne journée.
2 commentaires:
Bise.
Bise bien chaleureusement renvoyée, avec des traces du soleil d'automne qui réchauffe les feuilles rouges des arbres d'ici...
Même si je n'y réponds pas toujours, j'apprécie chaque fois tes commentaires, qui témoignent d'une parenté d'âmes qui fait du bien. Merci pour ta fidélité!
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