En chemin, dans l'autobus, je passe chaque fois tout à côté de la maison que j'ai habitée enfant, une maison que je trouvais si belle et dont j'étais si fière qu'elle reste pour moi l'image de ce que doit être un chez soi, aussi modeste et commun soit-il. Et comme cette maison fait directement face à l'école primaire où j'ai fait maternelle et première année, période sombre et dure de ma vie qui me semble encore n'avoir tourné qu'autour de trois pôles : maladie, colère et peine, je passe aussi tout à côté de mon ancienne école. De ma première école.
Or cette école n'est plus mon école : on lui a changé son nom. Depuis que je le sais, je ne suis plus sûre de rien. Et je me sens un peu trahie. Pourtant, je suis de ces lecteurs qui, débordés par l'instant de la lecture, oublient presque tout d'un livre une fois qu'il est lu. Je suis aussi de ceux qui ont réussi à oublier une partie de leur vie. Volontairement. Et pendant qu'elle avait lieu. Par mesure de sécurité. Je ne me serais donc pas crue si attachée à ce nom, bizarre et grouillant d'ailleurs, de "Sainte-Gemma Galgani". Je ne me serais pas crue si faible que ma mémoire même viendrait à être ébranlée par la disparition de ce nom.
C'est qu'il y avait dans sa dureté quelque chose comme un écho à ce que j'y avais été. Il y avait dans sa tournure vieillotte un ancrage dans un vrai passé, qui aurait existé en dehors de moi et qui venait confirmer mon existence. Que je ne trouve plus rien de tout ça dans le nouveau nom moderne et chantant qu'on lui a trouvé n'est pas seulement un affront à mon passé, mais à mon présent et à mon avenir : il faudra maintenant que je m'invente une nouvelle mémoire, et Dieu seul sait ce qu'elle pourra faire de moi dans 10 ans...
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