02 juillet 2014

Cinq minutes, pour voir

Dans les cinq dernières minutes, j'ai beaucoup changé. Si on porte un peu attention, cinq minutes passées à regarder autour, et dedans aussi, peuvent constituer une aventure qui est loin d'être anodine.

J'apprends à créer de l'espace. Je crois que mon chemin au fond se résume à ça : apprendre à créer de l'espace pour que les rencontres de ma vie - un coin de rue, un sourire mystérieux sur le visage de mon amoureux, une douleur nouvelle... tout est rencontre et amplifie la vie - ne soient jamais anodines.

Je me donne le droit d'être émue à la simple vue du livre Le bonheur excessif de Pierre Vadeboncoeur parce que j'ai encore un peu peur que les intellectuels négligent le bonheur, et transforment moins profondément le monde qu'ils ne pourraient le faire s'ils passaient un peu plus par le coeur aussi. Et je me donne le droit d'en retarder la lecture par peur d'être déçue.

Je me donne le droit de poser des questions intimes et naïves aux vieux amis que je n'ai pas vus depuis longtemps parce que j'ai fini de faire semblant que rien n'importe vraiment.

Je me donne le droit d'avoir une réponse banale mais honnête - "Aucune" - à une question fatale comme "Pour quelle cause serais-tu prête à mourir?" J'apprends à aimer mes réponses croches aux questions fatales que je ne me suis jamais posées franchement.

Et je me donne le droit de prendre congé parfois de cette présence-là. Je n'ai pas une énergie vitale suffisante pour maintenir à chaque instant cette disponibilité à ce qui arrive, mais, dans les cinq dernières minutes, j'ai littéralement vu le monde comme cette toile infiniment changeante où rien n'est indifférent à rien.

Selon Einstein, une des décisions les plus importantes dans la vie d'un homme est celle de déterminer s'il conçoit l'univers comme un allié ou comme un ennemi. Je commence à pouvoir me prononcer, mais c'est très bien si je change d'idée d'ici les cinq prochaines minutes, parce qu'au moins comme ça je suis certaine de ne jamais m'ennuyer.

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