13 août 2009

Le souffle et l'institution

Ici et ici, une blogueuse que j'aime bien y va de commentaires bien sentis sur les rapports entre l'institution et le travail en littérature. Sans cautionner l'ensemble de ses propos, je ne peux qu'être de son avis sur la distance que, trop souvent, les études littéraires - non, non pas les études littéraires ; ceux qui les encadrent - nous forcent à prendre sur le monde.
Je voudrais que mes lectures soient prises en compte comme telles par ceux qui surveillent mes recherches embryonnaires. Je voudrais qu'on m'accorde le temps de les gérer, de les assimiler, de les laisser incuber avant que j'aie à en tirer un apprentissage que je saurais nommer, discerner. Je voudrais, à la manière d'un Yvon Rivard, pouvoir leur dire : "Attendez, la littérature, ce ne serait pas simplement quelque chose comme lire, écrire, penser ?"
Mais l'institution n'est pas le lieu d'une telle patience, d'une telle naïveté. Cette rentrée bourrée d'échéances me le rappelle déjà. Et puisque j'ai besoin de l'institution pour savoir que j'existe en littérature - ça, je l'ai compris bien tôt - je me rue, comme elle l'exige, vers ce qui ressemble à un discours creux, taillé sur mesure pour ces chercheurs qui cherchent surtout, malgré une bonne volonté que je devine, à vérifier que mes travaux soient bel et bien "profitables". Ou "porteurs", comme on dit pour faire chic.
Je voudrais pourtant tellement plus que faire chic : je voudrais dire quelque chose qui compte. Mais ça demande du temps que notre monde ne m'autorise pas. Je devrai faire sans, et courir après 1) mon fric, 2) mon temps, 3) mon idéal. Voilà qui, je le crains, sera très épuisant pour l'asthmatique que je suis. J'avais sous-estimé combien mon Ventolin pouvait m'être utile pour la pratique de la littérature.
Comme quoi ce n'est pas parce qu'on travaille dans le monde des idées qu'on ne travaille pas dans le monde tout court. Indeed.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

une femme qui pense, ça fout un peu la trouille des fois.

J. a dit…

Souvent, même... Mais je vois pas pourquoi ça nous gênerait!

Et puis je ne pense pas en dehors du corps et du coeur. Parce que j'en suis incapable. Et parce que ça me semble dénué d'intérêt. Est-ce, déjà, plus rassurant?

Mek a dit…

Tiens, j'ai trouvé une millionième façon de me faire détester du bizness :

Voici la totalité du cursus d'un cours de quatre ans (ou trente) proposé par Ernest Hemingway dans Nick Adams Stories : 1- Know things. 2- Write about what you know in the most precise manner possible.
Je paraphrase peut-être, j'ai pas le livre dans mes sacoches de vélo. ;0)

Le reste, toute la grosse artillerie des facultés, des salons, des prix, des blablagnagna, tout ça n'est peut-être pas grand chose de plus qu'une vaste entreprise de baby-sitting glorifié.

J. a dit…

"Une vaste entreprise de baby-sitting glorifié" ! Voilà qui est bien dit !

Beigbeder a écrit dans la même veine que les gens les plus bardés de diplômes sont aussi les plus lâches. Il y a des lâchetés plus graves, sans doute, mais celle-là n'est pas négligeable. La preuve : je continue de râler sur l'institution, mais je serais bien incapable de survivre dans le monde des lettres sans elle...!

Angélus a dit…

Hélas, les institutions semblent être le détour obligé. Ce sont elles qui ont les ressources. Mais il faut toujours aller à contre-courant quand même. C'est plus tough, mais sinon, elles nous volent nos âmes!