04 août 2009

La voix de l'autre, pour la pensée

Dernièrement, j'ai eu l'immense privilège d'ouvrir les carnets d'un autre. D'un autre qui m'est cher, plus que cher, et qui me laisse avoir quelques prises, comme ça, sans que je l'aie vraiment demandé, sur ce qu'il est. Or si j'ai choisi de travailler sur le carnet pour ce doctorat encore très flou qui tarde à se dessiner, c'est beaucoup parce qu'il est la forme concrète de ce qu'est pour moi la littérature : une parole autre qui me dit intimement.
Bien sûr, ouvrir son propre cahier, c'est déjà un peu se faire autre. Relire son propre carnet, bien plus que relire ses travaux de recherche, bien plus que relire sa création, c'est se voir autre dans un passé qui se donne pour encore vrai à travers l'écriture. C'est se trouver étranger dans un temps qui ne nous appartenait déjà pas mais qu'on a tout de même, naïvement sans doute, chercher à saisir. Ouvrir son propre carnet, c'est, on le sait, accepter que le langage nous ait trahi, ou révélé, bien plus qu'on l'aurait voulu.
Mais relire le cahier de l'autre, c'est littéralement ouvrir son temps, ouvrir ce qu'il a été avant nous, chercher partout notre trace, alors même qu'on sait qu'on n'y était pas encore, se chercher partout à travers une parole qu'on reconnaît - c'est la sienne, après tout - mais qui agrandit du même souffle le mystère qu'est cet autre qui nous fait face.
Évidemment, on s'y retrouve parce qu'on y travaille, on s'y lit parce qu'on le veut bien, parce qu'on le veut trop; cette lecture de l'autre n'est pas une lecture ouverte, mais dirigée. Tant pis. Je ne crois tout de même pas pouvoir penser de plus grand don que ce don d'un passé, de naufrages, d'intuitions parfois naïves, parfois brûlantes qui appartiennent à un monde qu'on peut, le recevant, faire plus ou moins licitement sien.
C'est peut-être l'impulsion qu'il me fallait pour me remettre au travail. Ouvrir ce cahier m'aura rappelé qu'il existe quelque chose comme une parole de la vie, dans la vie. Ouvrir ce cahier m'aura rappelé que c'est toujours à travers l'autre que je retrouve cette vérité fragile qui me meut et que j'oublie trop bêtement : il existe une conscience commune, diverse et heureusement, d'un sentiment de la vie qu'il faut sans cesse multiplier.
Maintenant, il ne me reste plus qu'à la penser. Encore.

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