24 octobre 2014

"Ce qui nous lie", peut-être...

J'ai écrit un livre. Il vient d'être publié. 


Et depuis que je sais que ça s'en vient, je me raconte toutes sortes d'histoires comme pour lui donner le droit d'exister. "C'est un premier livre imparfait, évidemment, mais il est honnête. Il essaie quelque chose, au moins. Ce n'est pas un livre qui raconte une histoire, même si ce serait déjà beaucoup. C'est un livre traversé par des pensées partagées. Je l'ai écrit au couteau, comme dirait Annie Ernaux, et j'ai cherché à rester au plus près de l'expérience vécue qui lui a donné sa forme…" Et bien d'autres excuses encore.
Parce qu'au fond c'est tellement bête, penser que notre parole mérite d'être entendue alors que d'autres parlent bien mieux que nous, et bien plus. Même si ça répond à une exigence qui se faisait sentir à chaque instant, ça reste bien prétentieux. Mais voilà. Il est là. Et j'espère qu'il sera lu. 

C'est d'abord une histoire de famille, de filiation, mais on peut aussi y lire une réflexion sur la parole. Sur ce qu’on peut dire, ce qu’on ne peut pas dire, sur ce qu’on pense dire qui nous appartiendrait en propre mais qui en fait s’inscrit toujours dans une lignée, un héritage. 


Je serai au Salon du livre de Montréal le 20 novembre en soirée pour vous en parler davantage. Au plaisir de vous y rencontrer !



On ne peut pas tout dire. Ça, par exemple, je pense bien ne te l'avoir jamais dit, mais il faut commencer quelque part alors pourquoi pas ici : j'ai écrit à mon père toute ma vie. Je garde même toutes les lettres que je continue de lui écrire, et qu'il continue de ne pas lire. Je les relis très rarement, parce qu'il me faut la force des bons jours pour supporter le défilé des petits deuils qui au fond résument ma vie, mais je les garde. Je les garde dans la boîte de mon grand-père - tu sais, la boîte ouvragée, avec les papillons ? - parce que les lettres à mon père inconnu dans la boîte faite par mon grand-père que je n'ai pas connu et qui datent, la boîte, le grand-père et un peu le père aussi, d'une époque que je n'ai pas connue non plus, c'est presque trop parfait. Le mystère de mon histoire tient dans quelques centimètres cubes posés juste là, à côté de moi, et si ça n'a jamais suffi à alléger le mystère, ça a pu donner parfois l'impression que le reste, autour, était un peu plus solide. Plus avéré.

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