30 décembre 2009

Ce qui perdure

Aujourd'hui, je suis retournée dans un quartier que j'ai habitée adolescente, puis beaucoup plus tard, ces dernières années. Il y a 15 ans, déjà, un petit trajet existait au coin d'une rue, inéluctablement retracé d'hiver en hiver par ceux qui choisissaient d'aller plus vite, ou de travers. Il est encore là. Cette fois-ci, cependant, c'est dans la lenteur que je l'ai emprunté, me souvenant de ce que j'avais été ces autres fois où je l'ai traversé, avide de plaire ou amoureuse déçue.
Alors j'ai pensé : peut-être le passage à la nouvelle année est-il, contre cette risible manie de la résolution, le moment tout indiqué pour rappeler à la vie ce qui s'est éteint en cours de route, et qui continue de faire ce que nous sommes ?
Quand je suis ensuite allée faire une course, mais très lente, dans le quartier où habitait mon compagnon de toujours alors que nous étions de jeunes amoureux, je me suis souvenue de la grisaille qui m'habitait quand je devais quitter sa maison où j'allais toujours, parce qu'il y avait là sa fougue, son rire, sa lumière contre ma tiédeur. J'ai laissé ce gris frôler mon après-midi de lumière, et il a éclairé autrement mon sourire d'amoureuse nouvelle, comme avant, avec lui, mais autrement.
Maintenant, j'écris en écoutant La Bataille de Marignan (ou La Guerre) de Janequin. Cela m'est difficile. Parce qu'elle va dans tous les sens, éclate et surprend, évidemment, mais surtout parce qu'il reste des traces en moi de celle qui se multipliait à la chanter, celle qui exultait à sentir sa voix la faire exister, dans l'espace, visible. Cette année j'essaierai, et souvent, de la faire réapparaître.
Bonne année et merci aux quelques lecteurs de cet espace mouvant, dont moi aussi je me demande souvent ce qu'il peut bien vouloir dire, il faut pas croire.

16 décembre 2009

Pause

Perdue dans les 160 copies que je dois corriger avant Noël, je ne m'occupe plus beaucoup de littérature même si, j'en viens presque à l'oublier, tous ces travaux portent bel et bien sur des livres. L'idéal s'éloigne pendant cette grise besogne, et je deviens cette prof-fonctionnaire qui s'occupe trop de critères d'évaluation, et pas assez de sensibilité.
Je me le permets pour un temps - l'automne n'a pas été de tout repos - mais je compte bien revenir pendant les vacances sur ces livres dont je viens de me gâter, Morrison, Volodine, Zweig, Nepveu et quelques autres.
D'ici là, je me vide pour pouvoir mieux me remplir de ce qui compte pour moi : les mots, mais chuchotés, juste au bord du silence auquel je dois maintenant laisser place.

08 décembre 2009

Encore novembre

Il y a les fatigues exaltantes, que Berlioz, ou Marilyn Manson, ou Venitian Snares accompagnent. Et il y a les autres, grises, petites, qui ne donnent rien de bon.
Les livres que je lis ne m'emportent plus depuis longtemps, les stylos se vident trop vite à force de corriger des bêtises, le fils d'un collègue ne verra pas plus son 8e Noël que ceux qui ne le suivront pas. Je suis trop intransigeante pour être comblée, trop intempestive pour être sereine, trop assoiffée pour être contentée.
C'est une petite journée. Heureusement, il y a Beethoven - le meilleur, de chambre - pour lui donner une teinte bleutée. Oui. Beethov sur la neige, ça donne un air solennel même aux plus banales des fatigues d'hiver.