28 septembre 2009

Danger, et fébrilité.

J'ai, je pense, trouvé mon hypothèse.
Mais ce n'est qu'une hypothèse. Un terrain glissant. Une piste dangereuse. Et je suis loin de savoir me protéger.
Le travail de la pensée est un travail risqué, qui demande autant d'inventivité que de rigueur. Il m'arrive de pouvoir user de l'une ou de l'autre. Mais des deux ?
J'apprendrai bien, mais non sans quelques menues blessures. Ou graves, allez savoir.

26 septembre 2009

Ce qui compte

Il y en a peu, il n'y en a qu'un, qui sache vraiment dire ce qui compte pour moi. Un seul. Mais s'il sait le dire, je sais aussi dire le reste. Je sais à peu près dire le bruit, la vague, la peur, les rires, le bleu, l'automne, le silence -, j'essaie, mais je n'y arrive qu'imparfaitement, - l'orange, la peur, les larmes, la solitude, le reste. Je sais dire tout ça, donc, mais je ne sais pas dire combien je ne sais pas dire ce que tu bouges en moi, qui m'appelle et me meut.
Je sais dire le murmure, je sais dire le désir.
Mais justement, peut-être que c'est ce que c'est, savoir dire le désir, savoir dire l'à peu-près : admettre ton sourire, et qu'il ne veuille rien me dire.
Je sais dire le murmure, je sais dire le désir.
Mais savoir qu'il ne m'est plus adressé, ça, non, je ne sais pas.
J'apprendrai.

18 septembre 2009

Journal du dehors

Ce matin, sous la pluie, je suis en dehors du temps. En dehors de ces souvenirs qui reviennent et font mal, en dehors des joies que je pressens, en dehors même de ce présent que je m'efforce de faire s'écouler lentement, mot à mot. Oui, je suis en dehors ce matin, à côté, juste là, mais à distance. C'est tout ce que j'ai trouvé pour ne pas m'abîmer.
Je voudrais un peu avoir des rêves fous - devenir chauffeuse d'autobus, avoir une idée géniale, changer le café pour un chocolat chaud - mais je ne rêve presque pas. Presque pas.
Non, aujourd'hui, je ne serai pas sublimée. Je ne pense pas, non.

14 septembre 2009

Une (douce) révolte

Je l'ai déjà dit : je ne suis pas une insoumise. Ni révoltée, ni subversive. Peut-être un peu contestataire, mais seulement dans ma cuisine.
Pourtant, la semaine dernière, j'ai osé un geste d'une grande portée, qui donnera, je l'espère, le ton au parcours nouveau que je commence cet automne. (Et que ce geste soit une absence n'enlève rien à son importance.) Oui, un geste d'un poids tel qu'il m'a donné la force de continuer de me battre, un geste si audacieux qu'il me fournit mon armure : je ne suis pas allée à ce 5 à 7 mielleux qu'on organisait pour la rentrée des non moins mielleuses "études supérieures". Et j'ai même expliqué pourquoi. Rien de moins.
J'y étais allée au début de la maîtrise. J'y étais allée une ou deux fois au bac. Je n'irai plus jamais. Les maux de ventre, l'angoisse, les nausées, les vertiges, la peur, la peur, partout la peur; non, je n'ai pas besoin de ça pour savoir que j'existe. Ou si, plutôt, mais ailleurs.
Il existe deux catégories de jeunes chercheurs. Les uns, carriéristes plus "académiciens", se rendent au bout du chemin dans les temps impartis, la sueur au front mais l'âme en paix, forts d'avoir non seulement cherché, mais trouvé quelque chose. Les autres, idéalistes sans être dilettantes, ont choisi un cheval de bataille qui les travaille encore longtemps après que le combat ait été livré, qui leur a coûté énergies vitales et force d'agir, et dont ils sentent bien qu'ils n'ont pas été jusqu'au bout, tellement il est grand, et eux, petits. Je suis de la deuxième catégorie. Et si j'en ai eu honte pendant un moment, je le revendique maintenant fièrement.
Alors tant pis pour les 5 à 7, les réunions, les bourses, les prix. Je ne me sens si vivante que dans une salle de classe, soit, mais je n'irai pas souiller toute cette lumière à coups de mondanités mortifères.
(Eh oui, parfois, il m'arrive de devenir violente. Qu'on se le tienne pour dit !)

13 septembre 2009

Une brèche dans le temps

Avec la rupture est venu le déménagement, et avec lui, une nouvelle manière de voir ma ville. De nouveaux itinéraires, aussi, dont celui qui me mène à l'université, que j'apprivoise peu à peu.
En chemin, dans l'autobus, je passe chaque fois tout à côté de la maison que j'ai habitée enfant, une maison que je trouvais si belle et dont j'étais si fière qu'elle reste pour moi l'image de ce que doit être un chez soi, aussi modeste et commun soit-il. Et comme cette maison fait directement face à l'école primaire où j'ai fait maternelle et première année, période sombre et dure de ma vie qui me semble encore n'avoir tourné qu'autour de trois pôles : maladie, colère et peine, je passe aussi tout à côté de mon ancienne école. De ma première école.
Or cette école n'est plus mon école : on lui a changé son nom. Depuis que je le sais, je ne suis plus sûre de rien. Et je me sens un peu trahie. Pourtant, je suis de ces lecteurs qui, débordés par l'instant de la lecture, oublient presque tout d'un livre une fois qu'il est lu. Je suis aussi de ceux qui ont réussi à oublier une partie de leur vie. Volontairement. Et pendant qu'elle avait lieu. Par mesure de sécurité. Je ne me serais donc pas crue si attachée à ce nom, bizarre et grouillant d'ailleurs, de "Sainte-Gemma Galgani". Je ne me serais pas crue si faible que ma mémoire même viendrait à être ébranlée par la disparition de ce nom.
C'est qu'il y avait dans sa dureté quelque chose comme un écho à ce que j'y avais été. Il y avait dans sa tournure vieillotte un ancrage dans un vrai passé, qui aurait existé en dehors de moi et qui venait confirmer mon existence. Que je ne trouve plus rien de tout ça dans le nouveau nom moderne et chantant qu'on lui a trouvé n'est pas seulement un affront à mon passé, mais à mon présent et à mon avenir : il faudra maintenant que je m'invente une nouvelle mémoire, et Dieu seul sait ce qu'elle pourra faire de moi dans 10 ans...